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Le lapin et la tortue

 

Le Premier Ministre, Gabriel ATTAL, dans la plus grande précipitation et sans concertation, a délivré ses solutions miracles pour “réarmer” le système de santé lors d’une rencontre avec la presse régionale le 6 avril dernier.

Outre le timing douteux (concomitance avec les négociations conventionnelles des médecins), on peut légitimement s’interroger sur la pertinence de ces mesures.

Le premier axe de ce plan a pour objectif d’augmenter le nombre de médecins formés, de 10000 en 2023 à 16000 en 2027, sans préciser les moyens qui seront mis en œuvre pour recruter les enseignants ni ceux qui seront nécessaires pour accueillir les étudiants.
Le suivi de la mise en place des nouvelles facultés d’odontologie prouve la difficulté de la tâche. De plus, rien ne dit que ces nouveaux étudiants choisiront la voie de la médecine générale à l’issue de leur cursus, surtout si l’attractivité de celle-ci est toujours aussi dégradée.

Le deuxième axe consiste à simplifier 16 procédures médicales pour permettre un accès direct à un spécialiste dans le but de libérer du temps aux médecins, en particulier aux généralistes, véritable retour en arrière sur le  “parcours de soins coordonnés”  mis en place par l’Assurance Maladie en août 2004.

  • 4000 assistants médicaux supplémentaires seront recrutés d’ici la fin de l’année,
  • les pharmaciens pourront délivrer des antibiotiques dans certains cas (angines et cystites par exemple),
  • les opticiens pourront opérer de légères corrections de verres,
  • un accès direct aux kinés et à certains spécialistes.

Quand on sait que les revalorisations qui étaient en discussion pendant les négociations conventionnelles en cours portaient sur l’APC (avis ponctuel de consultant suite à une demande explicite du médecin généraliste) pour les spécialistes et qu’on revient sur le rôle pivot du médecin généraliste dans le parcours de soin, on peut douter du renforcement de l’attractivité du métier…

Le troisième axe s’attache à renforcer la PDSA (Permanence de Soins Ambulatoires) pour en améliorer l’efficience et, en particulier, le créneau de 18h à minuit. L’objectif est que l’intégralité de la population ait accès à un médecin de garde en moins de 30 minutes. Actuellement, 63 départements en sont pourvus représentant 80% de la population.
La menace pèse sur la réintroduction des obligations de garde et une possibilité nous intéresse tout particulièrement, celle de l’élargir aux infirmiers, dentistes et sage-femmes.
En dentaire, la plupart des urgences sont restreintes et bien définies et l’organisation du système de gardes par les conseils départementaux ordinaux est suffisamment efficace. Aussi, on peut s’interroger sur la nécessité de solliciter les praticiens jusqu’à minuit surtout dans les zones sous-dotées où leur tour reviendrait très fréquemment.
Dans la période actuelle où la sécurité des soignants est un enjeu majeur, on pourrait généraliser les régulateurs chirurgiens-dentistes du 15, rémunérés cette fois-ci comme les médecins, (la période COVID en est le parfait exemple) sans mettre en danger les professionnels, “livrés” à eux-mêmes dans leur cabinet tard le soir.

Le dernier volet de ce plan est l’instauration d’une taxe “lapin” sous le nom de mécanisme de responsabilisation. Elle correspondrait à une retenue de 5 euros, après signalement du professionnel et sous réserve d’une prise de rendez-vous initiale via une plateforme de réservation.
Outre le fait que la somme ne paraisse pas dissuasive, elle donne une idée claire de la valeur qu’ont nos gouvernants de notre temps de travail. Cette mesure pose également la question de l’incitation à souscrire à des plateformes de réservation et au rôle de délateur que veut nous faire porter le gouvernement. S’ajoutent à cela les problèmes d’incivilité et de sécurité qui ne manqueront pas d’en découler. Enfin, ce faible montant créera sans aucun doute chez certains patients, un sentiment de dédouanement pour légitimer une récidive.
On peut également se poser la question, une nouvelle fois, de la différence de traitement entre les assurés lambda et les bénéficiaires de la CSS qui ne semblent pas touchés par la mesure.…

Prendre son temps, telle la tortue, aurait permis de renforcer la prévention, de responsabiliser les patients, et de mieux honorer les praticiens. Ainsi les soignants auraient pu recruter des assistants médicaux afin de réduire leur charges administratives et gagner du temps médical.
Une communication réciproque entre le gouvernement et les professionnels de santé aurait été nécessaire. On serait arrivé plus vite à l’objectif !

 

Cédric TAVAN
Vice Président de la FSDL PACA
Membre du bureau national