ITW de Nicolas Cabarrou : quel est l’objectif de la manifestation du 14 Mars ?

FSDL, le 14 mars 2014

Quel est l’objectif de la manifestation du 14 Mars ?

Le but premier est de remettre sur le devant de la scène le problème CLESI qui a connu un endormissement suite à la manifestation du 15 Mars 2013. Cette baisse de vigilance de notre part vient des multiples procédures judiciaires qui ont été entamées depuis par l’ordre, plusieurs syndicats & le gouvernement. Un espoir très vite confronté aux lenteurs de la justice française qui entre un procès, un ajournement d’affaire ou un jugement n’hésite pas à laisser passer entre 3 à 6 mois. Des délais définitivement trop longs, alors que le temps est le principal allié du CLESI qui en profite pour peauffiner sa mise aux normes, quitte à désavouer ses intentions premières, à savoir un cursus validant en 5 ans sur le seul territoire français.

Le 2ème rôle de la manifestation est bien de faire prendre conscience aux politiques que l’affaire n’est pas terminée, que la loi est toujours (habilement) contournée par le CLESI et que l’entre-deux juridique en l’absence des décrets d’application de la loi Fioraso sont un formidable terreau d’enracinement pour Pessoa.
Enfin, rappelons qu’en juin commencent à sortir les premiers étudiants 100% made in Clesi, et qu’il y a urgence à intervenir.

La loi n’a t-elle pas tranché en faveur du CLESI ?

Un point de vue sur la loi oui, celui du TGI de Toulon à un instant “t” ; mais le principal aspect du jugement déboutant la FSDL est bien qu’il a été rendu selon un angle de vue singulier, balayant certains arguments fondamentaux du syndicat afin de botter en touche et de ne pas avoir à trancher sur un problème aussi épineux. Des arguments tellement fondés que tous les analystes syndicaux (cnsd ou fsdl) s’accordent sur le fait que les chances en appel sont importantes. Seul le timing de la première plainte déposé a fait défaut à la FSDL ! Certainement pas de quoi pavoiser pour le CLESI !

Un autre centre projette d’ouvrir ses portes à Paris, après celui de Toulon et de Béziers, n’est-ce pas un combat perdu d’avance ?

Certainement pas ! D’abord parce que tous ces centres ont un point commun, l’Université Fernando Pessoa Portugal. C’est donc un seul et même établissement portugais qui tente des “opérations hostiles” sur le sol français, et non 3 universités distinctes. Cependant, le CLESI soulève beaucoup de questions sur lesquelles ils va falloir se prononcer, mais beaucoup de personnes confondent l’offre inacceptable du CLESI avec sa baisse de niveau annoncé par son cursus mal ficelé, avec LA solution ! Il faut donc savoir raison garder et ne pas dire “oui” à tout sous prétexte de problèmes constatés dans le système français.

En quoi la présence d’université privée telles PESSOA serait dommageable pour la population ?

Pour prendre un exemple, imaginons un village reculé dont la première pizzéria se trouve à 50km. Un jour, un camion pizza portugais aux commandes duquel se trouve un avocat vient s’installer sur la place du village. Et propose aux villageois ses fameuses pizzas à 40 euros chacune. Les villagois sont contents, cette offre remplit à priori un sacré vide. Mieux vaut une pizza chère que pas de pizza du tout. Sauf que le camion refuse les contrôle de la DDASS au prétexte qu’il se revendique de la loi portugaise. Qu’on ignore tout des aliments utilisés et de l’hygiène du camion en général. Que l’état est ennuyé car soumis à la loi européenne qui dit bien que la libre circulation des camions pizzas est la règle, et qu’en plus, ben, ça manque de pizza dans le coin… Nous représentons donc les diplômés d’un système très sélectif, à la qualité et aux normes garanties (la cuisine à la française mondialement reconnue pour reprendre notre exemple)(enseignement de haute qualité, par et pour la recherche, enseignants reconnus, et total transparence). Et nous ne supportons pas que nos diplômes, si chèrement acquis intellectuellement soient mis sur un pied d’égalité avec des formations improvisées et opaques sur le même sol français. Qui plus est pour le patient, c’est un manque de garantie flagrant quant à la formation de ses professionnels médicaux dont on ignore tout de la formation alors même que celle-ci est dispensée en France ! Une honte qui nous expose tous demain car dés 2015, c’est à la médecine que Pessoa compte s’attaquer.

Ne cherchez-vous pas plutôt à protéger votre profession, et vos bénéfices ?

Cet argument m’irrite au plus au point. Pour discréditer notre mouvement, on nous prête des intentions peu élogieuses et pendant ce temps-là, les vrais coupables continuent leur tambouille. Je compte sur l’intelligence des français pour comprendre que nous sommes face à un problème de santé publique réel, et que l’écran de fumée jeté par le CLESI pour détourner l’attention ne doit leurrer personne. Former vos médecins de demain sans fournir la moindre garantie du niveau de l’enseignement est un scandale dont chacun doit peser l’enjeu. Une entreprise privée qui par contre rapportera certainement beaucoup à ses initiateurs qui communiquent beaucoup moins sur la petite fortune que celle-ci leur rapportera à n’en point douter. Personnellement, le même nombre de personnes inscrites au CLESI serait issu de la PACES et inscrit dans nos facs publiques, je n’y verrai absolument aucun inconvénient, preuve que je ne crains vraiment pas une telle augmentation de futurs confrères.

Cela résoudrait-il le problème de l’accès aux soins auquel tient tant notre Ministre de tutelle ?

Ceci est un piège. Dans un premier temps on pourrait le penser. Mais très vite, on aurait sans doute une augmentation du nombre de soins car chaque praticien voudra vivre avec la conception fantasmée qu’il s’est faite du métier de chirurgien-dentiste. Imaginez : Autant de patients mais 3x plus de dentistes, la tentation va être forte d’“inventer” les actes pour vivre ; ce qu’on appelle pudiquement le sur-traitement (refaire un composite alors que ce dernier est tout à fait acceptable, extraction plus implant plutôt qu’une dévitalisation/couronne…). La santé des français va-t-elle y gagner ? D’autant que la sécurité sociale risque fort de se désengager un peu plus face à cet afflux d’actes et de médicaments à rembourser, et qu’à terme, c’est bien des symboles de l’entre-aide à la française qui seront mis-à-mal comme l’AME ou la CMU, financées par les cotisations des français et pourtant utilisés par des praticiens au nombre non jugulé issus de formations étrangères. Enfin, ce système fera le jeu indéniablement des centres low-cost où comme leur nom l’indique, les prix et donc la qualité sera tirée vers le bas. Ces centres ont du mal à se développer pour le moment, fautes de praticiens prêt à suivre le diktat de la finance ou la rentabilité des centres est le maître-mot. Mais demain, quand le nombre de nouveaux praticiens sera trop important, créant une situation ou chacun cherche absolument à survivre (à l’image de l’ostéopathie actuellement en France), les salariés de ces centre sera tout trouvé ; et la médecine française n’a rien à gagner quant au développement de ces structures.

Que se passera-t-il lors de cette manifestation ?

Notre manifestation sera sans doute le rassemblement le plus important de la profession. Nous entamerons une marche autour du jardin du Luxembourg, marche à l’issue de laquelle une délégation constituée des principaux dirigeants syndicaux et du président du conseil national de l’ordre sera reçue au sénat mais aussi au ministère de l’enseignement supérieur.

Les chirurgiens dentistes installés sont-ils vraiment solidaires des étudiants ?

Bien que notre profession soit assez individualiste, il va de soi je pense pour qui a répondu au concours de la PACES en son temps et en ayant gardé le souvenir ému des sacrifices engendrés pour y être reçu, de ne voir que d’un œil suspect le fait que son diplôme soit “distribué” moyennant finances sans aucune autre sélection en dehors de petits arrangements à redouter. Donc je ne doute pas qu’une grande majorité des praticiens est solidaire de notre mouvement !

Sur de nombreux autres problèmes, la profession se déchire, comment êtes-vous parvenus à mettre en place cette cohésion, cette unité de la profession ?

Je pense que le concept de neutralité syndicale qui fait la force du goupe facebook “Les Dentistes Ne Sont Pas Des Pigeons !” dont je suis un des administrateurs m’a permis d’aborder la défense de la profession sans à priori. J’ai donc finalement sympathisé avec les dirigeants syndicaux et ordinaux et je pense avoir réussi à m’attirer un minimum leur confiance. Sur un sujet comme celui de Pessoa, je n’ai eu qu’à confronter le désir commun de chaque organisme à en finir avec le CLESI. Alexandre Hajjar, avant même l’ADF l’année dernière m’avait assuré de sa volonté de réaliser “quelque chose” contre Pessoa pendant son mandat de président de l’UNECD. Catherine MOJAISKY, personnalité très (trop) chahutée sur notre forum mais que j’estime beaucoup et pour qui j’ai pas mal d’admiration pour l’abnégation dont elle sait faire preuve, m’a assuré lors de cette même ADF du soutien de la CNSD en cas de mouvement contre le CLESI ; et avoir le soutien de la CNSD, c’est avoir un avis favorable de beaucoup d’autres organismes de notre profession, et pour cela il faut les en remercier. Tout est donc parti de là ! Quant à Patrick SOLERA, on peut dire que le thème de la FSDL 2013 aura été la lutte anti-pessoa et que je n’ai pas eu à lui demander quoique ce soit pour savoir qu’il m’attendait déjà dans la rue, banderoles à la main .
La mayonnaise qui prend, c’est bien cet objectif commun qui le conditionne, et là dessus, tous ont été intransigeants, ça a été la clef de la réussite.

J’en profite donc pour remercier tous les organisateurs de cette manifestation dont le soutien a été essentiel, au premier rang desquels Mme Catherine MOJAISKY, Mr Patrick SOLERA, Mr Alexandre HAJJAR, Mr Christian COUZINOU, mais aussi les “gens de l’ombre” comme Mr Fabien COHEN, Mr Geoffrey MIGLIARDI, Mme Julie ALSEDA, Mr Stéphane VIDALI (concepteur du site www.fermeture-clesi.fr) ou Mr Michel BERGOUGNOUX dont nous avons largement profité d’un perfectionnisme fort appréciable devant une telle organisation, les présidents de corpos à travers la France qui ont coordonné notre action au niveau étudiant, mais aussi et surtout les URPS qui ont financées une bonne partie de ce mouvement. C’est un cliché de dire cela, mais seul on arrive à rien, c’est tout une équipe qui doit être saluée aujourd’hui pour les efforts qu’elle a réussis à fournir, au nom de la défense de notre profession, au nom du maintient de la valeur de sa formation mais aussi et surtout au nom de la défense de la santé de nos concitoyens.


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