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Tourner sept fois sa langue dans la bouche

Voici une maxime adaptée à notre métier mais qui devrait, avant tout, être une règle pour l’IGAS et son dernier rapport sur la création d’une 7ème année en Odontologie.

Si le rapport de l’IGAS dresse un constat d’échec juste sur la formation des étudiants et sur la démographie professionnelle, ses solutions sont pires que les maux. Pourtant cela fait des années que la profession dénonce les effets délétères de décisions politiques éthérées et déconnectées de la réalité.

L’IGAS identifie clairement ces erreurs :

  • Manque de professeurs suite à la décision politique de ne plus recruter des MCU-PH ou AHU à temps partiel. Cette décision prise sous François Hollande a été catastrophique, non seulement pour le recrutement, mais aussi pour l’échange libéral-hospitalier.
  • Manque de fauteuils de soins pour les étudiants. Le rapport souligne qu’il faut compter 125 000€ pour créer un poste et qu’il n’y a plus d’argent.
  • Manque de chirurgiens-dentistes. Le numerus apertus vient de remonter le nombre de places à celui des années 70 mais avec une population qui elle est passée de 50 millions d’habitants à 68 millions.
    Depuis 2022, il y a plus de primo-inscrits à l’Ordre venant de facultés étrangères que de facultés françaises ce qui tend à corriger les erreurs dans la gestion de la démographie professionnelle tout en posant d’autres questions sur l’exercice.

Face à ce naufrage, le rapport de l’IGAS ne trouve pas d’autre solution que de demander la création d’une septième année en mettant à contribution les libéraux.

Ce n’est pas aux chirurgiens-dentistes libéraux de porter le poids de l’incurie de la politique de santé en France. Dans un contexte économique rude pour nos structures avec des honoraires conventionnels sous évalués, des charges toujours plus importantes et un temps administratif exponentiel (la gestion du tiers-payant de l’EBD, par exemple…), la profession devrait accepter d’équiper un fauteuil, d’accueillir un étudiant pour un forfait dérisoire de moins de 2000 € ?

Le plus cynique dans ce rapport est que le chirurgien-dentiste devra verser 1740 € à l’étudiant en lieu et place de leurs ministères de tutelle !
Cerise sur le gâteau, ce montant, à quelques euros, ne permettra pas de valider un trimestre de retraite pour l’étudiant.

Et je ne parle pas de l’année supplémentaire de docteur junior à l’image des médecins ; ni de l’idée de la mise en place d’une spécialité d’omnipratique pour faire « les soins de premier recours » ; ni du désir de former des assistantes qualifiées avec une équivalence licence entraînant des salaires insupportables ; ni des salaires peu attractifs du corps professoral (même si l’idée de remettre le mi-temps est appréciable).

Bref, la barque de l’université prend l’eau et l’IGAS la remplit encore. 

Alors arrêtez tout !

Investissez dans les facultés que ce soit en matériel et professeurs. Arrêtez ces dépenses inutiles en personnel administratif. Investissez dans notre jeunesse en offrant plus de place en France. La compétition européenne est là. Continuer d’alourdir le fardeau des universités et des libéraux n’est pas la solution.

Les chirurgiens-dentistes libéraux tiennent le système à bout de bras avec des plateaux techniques toujours plus importants, des heures toujours plus nombreuses dans un souci constant de bien soigner car une population bien soignée travaille plus et crée la richesse d’un pays. Ce n’est pas aux libéraux de supporter toutes ces errances politiques car ils en supportent assez.

Quand, déjà en 2019, l’ARS Grand-Est employait 700 temps pleins d’administratifs, pour une masse salariale de 55 millions d’euros*, ne serait-ce pas un bon signe de rediriger ces sommes vers la formation, la modernisation des cliniques universitaires, bref vers notre jeunesse à qui on doit tout donner ? L’argent des contribuables doit-il nourrir ces Gargantuas insatiables ?

La profession refuse de payer encore et encore.
Mesdames et Messieurs, tournez sept fois votre langue dans votre bouche avant d’imposer des solutions qui n’aboutiront pas. Vous ne trouverez jamais 4000 dentistes “maître de stage” pour cette 7ème année. 

Quand en 2025, les EDN (Épreuves Dématérialisées Nationales) sont en échec dès la première journée à la suite de problèmes informatiques, on se demande s’il est temps de créer une année supplémentaire en Odontologie !

*Lire l’article Est Républicain