Soignants avant tout autre chose

 

 FSDL Edito Octobre 2016

Quand les supposés « sages » de la  Cour des Comptes analysent les chiffres d’une profession, ils ne prennent en compte que des données économiques et font rarement état des problèmes que peuvent rencontrer les professionnels de santé.

Parler de dépassements d’honoraires, d’accès ou de renoncements aux soins et de moyennes tarifaires est un bon moyen de jeter l’opprobre sur une profession déjà habituée à un « bashing » permanent.

Rien de bien surprenant que de voir surgir avant le début des négociations conventionnelles des attaques en règles contre ce qui représente 1/3 de notre activité mais 70% de nos revenus, à savoir les  actes à honoraires libres.

Pourtant il y a des chiffres dont personne ne parle, mais qui reflètent certainement un véritable malaise des professionnels de santé, conséquence directe de lois sur la santé complètement déconnectées de la réalité du quotidien des soignants que nous sommes.

112 suicides de médecins  depuis le début de l’année 2016. Oui, vous lisez bien, 1 médecin se suicide tous les 3 jours, un chiffre 3 fois supérieur à la moyenne de la population française. Article Paris Match

Pour notre profession, les chiffres 2015 des agressions physiques ou verbales «  déclarées » auprès du Conseil de l’Ordre donnent le vertige . Et encore, on ne parle que des incidents qui ont été déclarés, pour combien qui ne le sont pas ? Données de l’Ordre National 

 En 2013, le Docteur Nicole Delépine tirait la sonnette d’alarme et posait la question suivante « Le suicide d’un médecin aurait-il moins d’importance que celui d’un employé de grandes entreprises nationales comme France Telecom ou Renault ? » Article Atlantico du Dr Delépine

 Quelles mesures ont pris le Ministère de la Santé, les pouvoirs publics et nos gouvernants pour répondre à cette insupportable situation ?

Tiers payant obligatoire, plafonnement des honoraires libres et contraintes administratives ont été les seules réponses. Le mépris le plus total sans aucune concertation avec les organismes professionnelles , voilà la triste réalité.

Le désarroi ou l’épuisement professionnel menant dans le pire des cas au suicide de nos soignants n’est que le résultat d’une politique qui doit cesser immédiatement.

Les chirurgiens dentistes n’accepteront plus d’être traités de la sorte, montrés du doigt et livrés à la vindicte populaire.

Nous n’accepterons plus de devoir nous former, investir dans des plateaux techniques de plus en plus sophistiqués mais de ne plus pouvoir soigner selon les données acquises de la science en raison  de tarifs de remboursements déconnectés d’une pratique moderne.

Nous n’accepterons plus de devoir justifier nos honoraires libres tant que nous ne pourrons pas soigner correctement nos patients tout en garantissant  l’équilibre financier de nos cabinets libéraux.

Nous n’accepterons plus ces  compromissions, ces politiques à « petits pas », ces « saupoudrages  tarifaires »  honteux en échange  d’une absence de  prise en charge  sur les actes innovants.

Il est inconcevable qu’un professionnel de santé soit pris en étau entre la nécessité de se dépasser pour répondre aux besoins de ses patients et le fait de devoir se justifier en permanence auprès des instances administratives.

L’hyper administration de notre société et la volonté de contrôle des caisses d’assurance maladie détruisent peu à peu cette relation particulière entre  patient et  médecin. Celle-ci devient une relation de « consommation », au lieu d’être une relation humaine.

Cette évolution n’est pas sans conséquences pour la population et notre système de santé. Un choix de société s’offre à nous : voulons-nous une médecine administrative et normée ou une médecine humaine, basée sur une relation privilégiée du patient avec son médecin ?

La FSDL a fait son choix depuis longtemps.

Dr Patrick Solera
Président de la FSDL

Patrick SOLERA