Les données de santé des français pour 1 million d’euros, un cadeau !
Isabelle Saleck, le 20 novembre 2025

Le Sénat vient d’achever l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales préparé par le gouvernement de François Bayrou et endossé par son successeur à Matignon, Sébastien Lecornu. Il a ainsi adopté les dispositions autorisant une levée, encadrée, du secret professionnel sur les données de santé des assurés au bénéfice des complémentaires santé, dans un objectif de sécurisation du tiers payant et de lutte contre la fraude. La Fédération des syndicats dentaires libéraux dénonce l’irresponsabilité des pouvoirs publics face à ce qui apparait comme un cadeau fait aux organismes complémentaires d’assurance maladie.
L’objectif poursuivi par ce projet de loi consiste à « sécuriser et faciliter le contrôle des demandes de remboursement adressées aux organismes complémentaires avant même leur liquidation, et donc de limiter ainsi des fraudes potentielles ou même des erreurs non intentionnelles » et à « développer les échanges de données en matière de fraude entre l’assurance maladie obligatoire et l’assurance maladie complémentaire ».
Un projet de loi dont la rédaction s’appuie également sur un avis rendu par la CNIL le 14 décembre 2022 qui appelait à clarifier et sécuriser le cadre juridique entre assurance maladie obligatoire et complémentaires santé.
Le secret médical sacrifié.
Avec les mesures adoptées, les assureurs, mutuelles et institutions de prévoyance seraient autorisées à traiter des données de santé transmises par des professionnels de santé dans le cadre de l’exécution des contrats solidaires et responsables et de la mise en œuvre du tiers payant.
En parallèle, l’article 5 prévoit une dérogation expresse, au profit des organismes complémentaire d’assurance maladie, à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, qui encadre le secret professionnel garanti aux patients.
Un bénéfice dérisoire pour la collectivité.
C’est un cadeau parfaitement emballé, présenté sous couvert de la lutte contre les fraudes, ce dont tout un chacun ne peut que se satisfaire.
Mais en réalité, le rendement escompté de cette mesure paraît anecdotique puisque le gouvernement, évalue à 1 million d’euros le gain financier pour l’assurance maladie obligatoire[1]. Les données de santé de 67 millions de françaises et de français sont donc offertes aux organismes complémentaires d’assurance maladie pour un gain dérisoire d’1 million d’euros !
Certes un long verbiage juridique vient organiser des gardes fous pour éviter (on y croit) tout détournement à d’autres fins de ces données de santé.
Preuve de l’inconfort du Gouvernement, celui-ci se voulait rassurant en indiquant que les données de santé ne pourraient être utilisées « à des fins d’exclusion de garanties des contrats d’assurance ou de modification de cotisations ou de primes d’assurance d’un individu ou d’un groupe ».
C’est une vision bien candide des choses et particulièrement arrangeante pour les organismes complémentaires d’assurance maladie. La Fédération des syndicats dentaires libéraux s’élève contre cette atteinte manifeste au secret médical et contre l’ouverture, sans véritables bénéfices, des données de santé des patients à des sociétés commerciales.
Source : Lutte contre les fraudes sociales et fiscales
[1] Voir en page 58 du document dans un format pdf : Lutte contre les fraudes sociales et fiscales (étude d’impact)

