Loi anti-fraude : la mort annoncée du secret médical

Béatrice Aldeguer, le 12 novembre 2025

Le 14 octobre 2025, le gouvernement de Sébastien Lecornu a endossé le projet de Loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, préparé par son prédécesseur, François Bayrou, avec des modifications notables pour les mesures relatives à la santé. 

Un partenariat entre l’État et la CNAM avait déjà été signé en 2023, avec pour objectifs principaux de :  

– Réduire le renoncement aux soins par l’amélioration de dispositifs tels que C2S et le 100% santé
– Mettre en œuvre une stratégie ambitieuse pour lutter contre la fraude dans le système de santé
– Augmenter significativement les résultats en matière de contrôle et lutte contre la fraude
– Déployer des stratégies de sanctions pour garantir le respect des normes de santé 

Ce projet de Loi de lutte contre la fraude vient modifier et compléter l’arsenal législatif qui permettra une évolution dans la coopération entre l’Assurance Maladie et les Complémentaires de santé en matière de détection de la fraude, accès aux données de santé et mise en place conjointe de sanctions. L’UNOCAM (Union nationale des complémentaires santé) a d’ores et déjà plébiscité cette démarche.

Deux objectifs à poursuivre : 

– Sécuriser et faciliter le contrôle des demandes de remboursement adressées aux organismes complémentaires avant même leur liquidation, et donc de limiter ainsi des fraudes potentielles ou même des erreurs non-intentionnelles.

– Développer les échanges de données en matière de fraude entre l’assurance maladie obligatoire et l’assurance maladie complémentaire. 

Une communication réciproque d’informations 

S’il vise à mettre en place cette coopération renforcée AMO-AMC en matière d’échange d’informations, le texte comporte aussi plusieurs passages précisant la portée des traitements de données que les complémentaires santé sont légitimes à employer et à réclamer auprès de certains professionnels :  

– Les directeurs des organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale, (…) sont tenus, lorsqu’ils ont connaissance d’informations ou de faits pouvant être de nature à constituer une fraude, de procéder aux contrôles et enquêtes nécessaires.  

– Les entreprises d’assurance sont autorisées à traiter (…) les données à caractère personnel relatives à la santé de leurs assurés et ayants droits couverts par un contrat d’assurance conclus pour le remboursement et l’indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, notamment les numéros de codes des actes effectués et des prestations servies. Elles sont également autorisées à traiter les données d’identification et de facturation des professionnels et organismes ou établissements ayant prescrit ou dispensé ces actes ou prestations. 

 – Seuls des professionnels de santé et les personnels placés sous leur autorité chargés du contrôle médical du dossier ont accès, dans le cadre de leur fonction et pour la durée de leur accomplissement, aux données à caractère personnel relatives à un assuré, ou ayant droit. Tout personnel de l’entreprise d’assurance est tenu au secret professionnel pour toutes les données concernant la santé des personnes concernées. Les traitements de données mis en œuvre porteront sur des données personnelles sensibles (données de santé, données d’infraction).

 – Par dérogation à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique et pour les seuls besoins de la mise en oeuvre du tiers payant, les professionnels de santé, organismes ou établissements dispensant des actes ou prestations remboursés ou indemnisés (…) sont autorisés à communiquer aux entreprises d’assurance les données mentionnées à l’article L. 161-29 du code de la sécurité sociale et toutes autres données strictement nécessaires à cette fin. 

Les recours et sanctions auront une double origine : CPAM et OCAM  

Les Complémentaires santé ne sont pas informées lorsque les organismes d’assurance maladie obligatoire obtiennent la condamnation au pénal de professionnels de santé (centres de santé, laboratoires, pharmacies, etc.) pour escroquerie à l’assurance maladie : elles ne peuvent faire valoir auprès de la Justice leur droit à réparation du préjudice qu’elles ont également subi.  

Faciliter l’information des organismes d’assurance maladie complémentaires lorsqu’une caisse dépose une plainte au pénal ou qu’elle constate une fraude par procès-verbal, dans une affaire les concernant (organismes ayant pris en charge la part complémentaires des soins pour leurs adhérents), pour leur permettre de faire valoir leurs droits auprès de la Justice en tant que victimes.  

Ainsi les organismes victimes de la fraude d’un même protagoniste pourront mandater l’un d’entre eux pour déposer une plainte pénale unique. 

Lorsqu’un organisme d’assurance maladie obligatoire dépose une plainte au pénal ou qu’elle constate une fraude par procès-verbal une transmission au parquet de la liste des organismes complémentaires concernés permettra à celles-ci d’être informées des audiences les concernant et de se constituer partie civile le cas échéant 

Ce projet de Loi acte la nécessité d’une modification importante du code des Assurances, du code de la Mutualité et du Code de la Sécurité Sociale en matière de transmission des données à caractère personnel, secret médical et droit à recours possible pour les assureurs complémentaires.  

Les modalités des contrôles d’activité des professionnels de santé ont évolué quant à leur fréquence, volume des dossiers patients concernés, ainsi que la méthodologie appliquée. 

Déjà fortement modifiés par la Loi à l’indu par extrapolation, méthode introduite par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 qui permet à l’assurance maladie de réclamer aux professionnels de santé le remboursement de sommes indûment perçues, même si la fraude n’a été constatée que sur une partie de leur facturation, ce projet de Loi de lutte contre la fraude est inédit dans la mise en place d’une communication transversale UNCAM- UNOCAM. 

Les conséquences pour les fraudeurs volontaires seront elles aussi inédites. 

Les contrôles d’activité sont une véritable épreuve, mieux vaudra dans le futur ne pas être considéré comme “un fraudeur”.  

Votre syndicat est présent pour vous accompagner lors d’un contrôle d’activité, et vous informe régulièrement pour une bonne pratique administrative en termes de codage de vos actes réalisés. 


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