ASSISTANTS DENTAIRES DE NIVEAU 2, INTERVIEW CROISEE DE STEPHANIE RIST ET MOUNIA SANTOU

SALECK.Isabelle, le 4 mai 2023

 

 

 

Stéphanie RIST, députée (RE) et rapporteure générale de la commission des affaires sociales, a déposé une proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé le 18 octobre 2022.

Un objectif, celui d’améliorer et de faciliter l’accès aux soins.

Par quels moyens ? Délégations de tâches, libération du temps médical, renforcement de l’attractivité des professions de santé, renforcement de l’accès direct…

Ces thèmes ne pouvaient laisser indifférente la Fédération des syndicats dentaires libéraux qui, afin de lutter contre la raréfaction de l’offre de soins bucco-dentaires dans les territoires, promeut de longue date la libération du temps médical requérant une plus grande expertise du chirurgien-dentiste au moyen de la délégation de certains de nos actes médicaux au profit des assistants dentaires.

Si plusieurs professions de santé sont concernées par les mesures qui ont été adoptées, les articles 4 et 4 bis (sur l’évolution du métier d’assistant dentaire) sont ceux qui ont le plus intéressé notre discipline.

Notre implication historique sur ce sujet, et notre collaboration constructive avec l’Union fédérale des assistantes dentaires, expliquent notre participation active aux côtés de madame RIST et de ses équipes pour affiner la rédaction des mesures relatives aux assistants dentaires.

Adoptée au terme d’une procédure accélérée, les travaux parlementaires touchent à leur fin.

Faisons le point avec deux de ses acteurs majeurs, la rapporteure générale de la commission de affaires sociales, auteure du texte, madame Stéphanie RIST et madame Mounia SANTOU, présidente de l’Union fédérale des assistantes dentaires (UFAD).

Êtes-vous satisfaites de la proposition telle qu’elle a été adoptée ?

Stéphanie Rist : C’est évidemment une victoire pour la santé des Français, j’en suis très heureuse. Députés et sénateurs sommes parvenus à un texte qui conserve sa philosophie initiale et son ambition d’aller plus loin pour l’accès aux soins. C’est une proposition de loi qui a pour colonne vertébrale la confiance accordée à nos professionnels de santé dans leurs capacités de prise en charge des patients. C’est fondamental.

Mounia Santou : Bien évidement. Il s’agit quand même d’une évolution, une évolution que les assistants demandent depuis de nombreuses d’années. Encore faut-il qu’elle soit réellement destinée aux assistants dentaires et non pas à d’autres professionnels de santé.

Pouvez-vous nous dire en quelques mots en quoi consistent les mesures adoptées pour les assistants-dentaires ?

Stéphanie Rist : Appelée des vœux de l’ensemble du secteur dentaire, la création d’un métier nouveau, celui d’assistant-dentaire de niveau 2, est adoptée dans la proposition de loi que je porte avec les députés du groupe parlementaire Renaissance. Après une formation adaptée et l’obtention d’un certificat correspondant, les assistants dentaires pourront réaliser des actes en santé bucco-dentaire, en autonomie mais sous la responsabilité du chirurgien-dentiste. C’est une petite révolution pour certains et il s’agissait d’une mesure que j’ai portée dès le début de ma proposition de loi tant je crois cela nécessaire pour l’accès aux soins de nos concitoyens.

Mounia Santou : Cette évolution légalement encadrée contrecarre toute forme de glissement de tâches, connue depuis le rapport de l’IGAS de 2011.

Nous attendons à présent la mise en place d’un dispositif de formation continue, cohérent avec ces nouvelles compétences, notre travail et les besoins propres à nos structures d’exercice. Certains pourront se spécialiser dans le domaine de la prévention, d’autres dans le domaine de la chirurgie, d’autres encore dans le domaine de l’orthodontie. Mais est-il utile de se spécialiser en tout ?

Nous espérons réellement que notre point de vue sur le contenu scientifique de cette formation sera pris en compte.

Quels sont les bénéfices attendus selon vous pour les chirurgiens-dentistes d’une part et pour les assistants-dentaires d’autre part ?

Stéphanie Rist : Ils sont multiples. Il y a d’une part et c’est la première chose à laquelle nous pensons, l’amélioration de la prise en charge en santé bucco-dentaire qui libère du temps pour le chirurgien-dentiste là où son expertise médicale n’est pas nécessaire et cela reconnait un rôle nouveau pour l’assistant dentaire et ainsi une évolution de son métier. C’est aussi un bénéfice important en prévention bucco-dentaire ! Le chirurgien-dentiste pourra consacrer son temps là où cela est nécessaire, en parallèle l’assistant dentaire de niveau 2 pourra prendre plus de temps pour des gestes moins techniques et qui nécessitent plus de prévention, d’accompagnement et de suivi.

Mounia Santou : Jusqu’alors les assistants dentaires ont le sentiment qu’on oublie que nous sommes des professionnels de santé. Cette évolution élargit nos champs d’activités au-delà de la salle de stérilisation, au fauteuil dans l’accompagnement des patients vers une meilleure santé bucco-dentaire. Les chirurgiens-dentistes auront plus de temps libéré pour se consacrer entièrement à des soins beaucoup plus complexes.

Personnellement impliquée dans la prise en soins des patients en situation de handicap le bénéfice de ce nouveau statut sera de mettre en œuvre des soins prophylactiques que je ne suis pour l’instant pas autorisée à réaliser.

 

La FSDL a toujours promu cette évolution pour orienter également le temps médical libéré du chirurgien-dentiste vers une réelle mission de prévention, d’éducation à la santé orale, d’évaluation et de renforcement de la modification du comportement en santé.

La question se pose désormais de savoir comment atteindre cet objectif.

Est-ce que les rendez-vous de prévention aux âges clés de la vie issus de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 pourraient être une réponse adaptée pour élargir la prévention des soins bucco-dentaires ?

Le dispositif M’TesDents peut-il être amélioré ?
Dans une approche populationnelle quels devraient être selon vous les publics cibles ?
Madame la rapporteure générale, pourriez-vous encourager ces pistes ?

Stéphanie Rist : La création de l’Assistant dentaire de niveau 2 est une nouvelle étape dans le déploiement de la politique de prévention en santé bucco-dentaire. Aux côtés des chirurgiens-dentistes, l’ensemble du secteur dentaire va pouvoir développer la prévention et les interventions en « aller-vers ». Une prévention qu’il nous faut accompagner et développer comme c’est le cas pour le projet « M’TesDents » qui est un excellent dispositif similaire au projet de bilans aux âges clés de la vie voté dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Le secteur dentaire et l’Assurance maladie ont su, dans le secteur de la prévention bucco-dentaire, être les pionniers d’une prévention ciblée, à un âge clé de la vie et selon une approche populationnelle. Le dispositif a beaucoup à apporter, j’en suis persuadée.


Madame la rapporteure générale, quelles sont les prochaines étapes de la mise en œuvre de cette proposition de loi ? Dans quels délais ?

Stéphanie Rist : Nous voterons les conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) les 9 et 10 mai au Sénat et à l’Assemblée nationale pour une promulgation de la loi le plus rapidement possible dans les semaines qui suivent. Viendrons ensuite la concertation et le travail règlementaire pour l’application de la loi comme c’est le cas à l’issue de toute promulgation de loi. Les services déconcentrés de l’État et l’Assurance maladie seront alors en appui des professionnels et structures pour mettre en place les différentes mesures.


Madame Rist, votre proposition de loi était déposée le 18 octobre 2022. Le Président de la République lors de ses vœux adressés le 6 janvier 2023 aux acteurs de la santé s’attardait sur les défis à relever ainsi que les travaux à conduire pour la refonte de notre système de santé : dégager du temps de soignants, coopération, prévention, décloisonnement, « se concentrer sur la santé » …

Selon vous, est-ce que cette proposition de loi répond aux ambitions présidentielles ? Ou bien un autre vecteur législatif à venir devra aller plus loin ?

Stéphanie Rist : La proposition de loi est totalement en phase avec le discours du Président de la République lors de ses vœux aux acteurs de la santé et je m’inscris pleinement dans les volontés du Président. Notre système de santé a besoin d’un souffle nouveau, de poursuivre l’élan initié par le plan « Ma Santé 2022 » et le Ségur de la santé de 2021. Depuis 2017, je suis au côté de notre majorité pour transformer et simplifier notre système et son organisation. La proposition de loi en est une brique dans un chantier qu’il faut prendre à bras le corps.


La FSDL encourage un nouvel axe d’action pour dégager du temps médical disponible, celui d’un « choc de la simplification administrative » car l’ensemble des professionnels de santé libéraux croule sous les charges et formalités administratives.

Madame la rapporteure générale, cette piste d’action vous semble-t-elle opportune. Seriez-vous prête à l’encourager ?

Stéphanie Rist : Comme vous le soulignez, le Président de la République a appelé de ses vœux à ce choc de la simplification administrative. J’ai encouragé ce sujet au travers de la première loi que j’ai portée en 2021 portant amélioration du système de santé par la confiance et la simplification mais force est de constater, ce n’est toujours pas suffisant aujourd’hui. Nous sommes à une période charnière où il faut que les choses fassent sens. L’appui administratif doit être positionné au plus près des professionnels de santé, les services de l’état au service du bien collectif pour notamment simplifier l’exercice des professionnels de santé et non l’inverse.

C’est un chantier qu’il faut prendre à bras le corps, récemment le ministre de la santé et de la prévention, François BRAUN, s’est engagé sur la base de recommandations et témoignages recueillis auprès de professionnels de terrain. Ces mesures doivent permettre de réduire les formalités administratives particulièrement lourdes dans l’exercice des professionnels de santé.

Pour aller plus loin: LOI n° 2023-379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé (1) – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

 


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