Délégation de tâches

SALECK.Isabelle, le 9 février 2021

 

Le rapport de l’IGAS de juin 2010* sur « l’opportunité et les modalités d’inscription des assistants dentaires dans le Code de la Santé Publique » énonçait déjà le principe de la délégation de tâches, sous le contrôle et la responsabilité du chirurgien-dentiste. Que ces tâches soient liées à l’hygiène et à la prévention bucco-dentaire ou à la participation et à l’implication directe d’actes techniques en bouche.

Il aura fallu attendre 2016 pour que les assistants dentaires soient inscrits au Code de la Santé Publique, mais sans pour autant que leur référentiel métier n’évolue.

L’offre de formation de nos plus proches collaborateurs doit pourtant prendre en compte les évolutions de notre environnement professionnel. Pour autant, la légitimité de la délégation de tâches ne peut venir que de compétences validées.

Il s’agit donc de définir et de formaliser des projets de formations en adéquation avec l’évolution de nos structures d’exercice. Ces évolutions doivent prendre en compte le contexte d’ingénierie cadrée par le ministère de la santé et les accords européens sur l’harmonisation des certifications**.

L’exemple allemand démontre que les besoins des cabinets, et donc l’offre d’emplois, sont plus tournés vers des assistants spécialisés (ZMP, …) que vers des hygiénistes. L’Allemagne compte 70 000 chirurgiens-dentistes, 189 000 assistants dentaires, dont 15 000 assistants de prophylaxie et … seulement 500 hygiénistes.

La FSDL et le SODF prônent donc la création de blocs de compétences spécifiques (maximum 350h) appliqués à 4  domaines d’activité pour lesquels la délégation de tâches libérerait du temps pour les praticiens.  Ainsi, nous aurions une formation adaptée aux réalités de terrain et permettant une souplesse au niveau organisation, contrairement à la proposition  de 800 H, sur 2 ans, (représentant 2 jours par semaine) faite par les CDF. Ce format apparaît trop long et trop coûteux pour aboutir à un(e) assistant(e) dentaire de niveau 2 ou un(e) assistant(e) de médecine bucco-dentaire qui sera au final un(e) hygiéniste qui ne veut pas dire son nom.

Un certain nombre d’actes « délégables », proposés par la CPNE-FP ont été validés par le ministère de la santé. Il s’agit donc de définir et de construire, pour la prévention, l’ODF, la chirurgie ou la radiologie, les formations certifiantes de ces spécialisations en interrogeant l’existant tant au niveau universitaire qu’au niveau des équivalences européennes.

La création de ce portefeuille de compétences additionnelles deviendrait alors un véritable outil d’évolution dans la carrière de nos collaborateurs. Cette organisation en module de formation certifiante associée à une véritable possibilité d’individualiser les parcours de formation répond à la demande des assistants dentaires et aux besoins de nos structures.

Il paraît difficile, dans le cadre de la tarification à l’acte, validée par l’attestation de la réalisation du soin et de son paiement au praticien d’imaginer un quelconque partage d’honoraires.

A notre sens, la délégation de tâches à des assistants dentaires spécialisés va de pair avec un mode de tarification forfaitaire des soins qu’ils soient prophylactiques ou orthodontiques. C’est déjà le cas en orthopédie dento-faciale, quelle que soit la technique requise pour le traitement d’un patient, la rémunération s’effectue par semestre. Le projet de la FSDL, proposé à l’occasion des dernières négociations conventionnelles, repose, en matière de prévention sur la création d’un forfait de rémunération incluant les actes appropriés aux besoins du patient (détartrage, sealents, fluoration, hygiène-motivation, éducation à la santé…) après avoir bénéficié d’une consultation spécifique de prévention. En fait c’est là que réside le véritable « changement de paradigme » pour « plus de préventif et moins de curatif ».

Depuis toujours et encore plus maintenant, pour la FSDL, les enjeux du combat syndical des années à venir passe par la valorisation de la prévention et la prise en charge sur le principe du juste soin au juste coût. Et ce projet prend tout son sens si nos assistants dentaires peuvent assumer sous notre contrôle une partie des tâches précitées.

Les objectifs économiques de la prévention portent sur la valorisation du choix le plus conservateur. La diminution des besoins de prothèse et de traitement invasif au profit des actes conservateurs et de la prévention se fait par un transfert de volume d’actes, il n’y aura pas d’économie globale à attendre. Ce transfert de coûts se traduit par un investissement pour une meilleure santé. La convergence des objectifs de santé et d’économie se traduit par : INVESTIR DANS LA QUALITÉ DE VIE DES PATIENTS.

Le coût de la prévention n’est pas inférieur au coût de la prothèse. Le projet que nous soutenons s’articule autour de 2 types de consultations spécifiques de prévention : la consultation de prévention principale et les consultations de prévention de suivi. La consultation de prévention principale, à fréquence quinquennale, comporte, l’anamnèse, un bilan radio, une enquête alimentaire, l’éducation à la santé orale, un enseignement à l’hygiène orale et des actes techniques associés (Fluoration/sealent/Détartrage). Sa valorisation devra être de 300€/patient pour 1h30 de consultation.

La fréquence des consultations de suivi sera établie lors de la consultation principale (2 à 4 fois/an selon les besoins du patient). Ces consultations prévention de suivi comporteront les actes techniques associés (Fluoration/sealent/Détartrage) mais elles permettront surtout l’évaluation des acquis et des modifications du comportement de santé orale du patient. La rémunération forfaitaire, devra être de 240€/patient/an.

Économiquement est-ce possible ?

OUI, bien sûr !

Il faut juste du courage politique, un calendrier précis de transition volontaire et la volonté d’investir dans la qualité de vie de nos patients !

Ainsi, une nouvelle vision de notre métier, en agissant pour intercepter et non plus seulement réparer, permettra d’améliorer la santé orale de nos concitoyens et de répondre au défi que le vieillissement de la population impose à toute la société. Mais ce changement de paradigme obligeant à voir plus nos patients ne pourra être réussi que si une délégation de tâches à nos collaborateurs est possible.

 

Dr Marie Biserte, Vice présidente de la FSDL en charge des affaires sociales
Dr Nicolas Artero, Secrétaire général du SODF
Dr Louis-Marc Favot 

* Rapport de l’IGAS

**Recommandations du parlement européen sur la certification pour l’éducation et la formation

➜ Consulter la présentation complète de la FSDL lors des négociations conventionnelles dont voici des extraits :


Tous les articles