Réforme ou révolution

SALECK.Isabelle, le 19 décembre 2018

L’actualité de la révolte des « gilets jaunes » pousse, après 18 mois de gouvernance, à regarder de plus près  la « méthode Macron », et plus particulièrement lorsqu’elle est appliquée au monde des chirurgiens dentistes.
Nous pouvions aisément anticiper les conséquences des politiques macroéconomiques qui ont été mises en œuvre ces derniers mois, voire même ces 30 dernières années. Toutes  tendent à vouloir ramener le niveau de la population vers une moyenne statistique, au lieu de requérir à plus d’ambition, ceci est particulièrement visible dans le domaine de la santé avec ce fameux RAC zéro.  
La Révolution En Marche devait tout changer : les hommes, la méthode, la politique, la vie des français et surtout leur santé.
Mai 2017, nouveau président, nouveau gouvernement, nouvelle ministre de la santé, jusque-là rien de révolutionnaire.
Juin /juillet 2017 la nouvelle ministre décide de rouvrir des négociations, signifiant une ouverture d’esprit que nous avions oubliée avec Mme Touraine.
Septembre 2018, Nicolas Revel reste le négociateur de l’UNCAM, les syndicats sont consultés avec une proposition déjà écrite par les techniciens de l’administration, et  non négociable, ou pour une poignée d’euros.

Voilà la vraie méthode Macron, il nomme des politiciens nouveaux, autant dire des marionnettes, qui gesticulent devant les médias en bon VRP du président mais il garde les techniciens de l’administration, les hommes de l’ombre, qui imposent à tous ce qui doit être macro économiquement bien pour le français moyen, les chiffres faisant foi. Ensuite l’ensemble est emballé avec des pseudos consultations pour faire passer des réformes dont la finalité échappe aux réalités du terrain. En fait, l’homme de 40 ans qui se présentait comme un  “révolutionnaire”, applique les mêmes recettes que ses prédécesseurs.

Alors quel avenir en tant que soignant, mais aussi en tant que patient ?

Le plan santé 2022 ou le 100% Santé c’est : une  réforme des hôpitaux, une réforme de la formation initiale  des praticiens (tant au niveau de la sélection que des validations), un transfert des compétences …
Un ensemble de réformes donc,  qui répond aux seuls enjeux de nos énarques : l’économie ou plutôt les économies.

  • La France n’a plus les moyens de soigner correctement tous les français ? Contentons nous de les soigner le moins mal possible.
  • La France n’a plus les moyens de former des professionnels de santé compétents ? Donnons des compétences à ceux dont la formation est moins coûteuse.
  • La France n’a plus les moyens de faire vivre ses hôpitaux ? Soignons les patients en ville à des tarifs indignes.
  • La France ne veut plus de soins de qualité onéreux à réaliser ? Promouvons les soins à bas coût, qu’importent les moyens mis en oeuvre.

Et ça marche! La sécurité sociale devrait revenir à l’équilibre … mais à quel prix humain et sanitaire?

Pourquoi alors, 2 syndicats dentaires ont-ils signé ? La table ronde pluri syndicale de l’ADF 2018 a permis de mettre en exergue que les signataires ne veulent surtout pas changer le modèle. Il vaut mieux, pour eux,  continuer à faire ce qui a toujours été fait et même désigner comme “élitiste” tout modèle thérapeutique nouveau, plutôt que de vouloir réfléchir en soignant, et penser à la santé des français avant toute considération macroéconomique passéiste.  

La FSDL refuse ce système de pensée. Nous n’avons jamais apposé notre signature en bas d’une convention inadaptée à la situation et ce n’est pas cette convention labyrinthique et incomplète  qui aurait pu emporter notre soutien. La FSDL, dès 2016, a porté seule un projet de réforme réelle du système, basé sur 3 piliers indissociables à notre métier de soignant : Responsabilisation, Prévention, Innovation.
La mission prévention (lire)  que nous avons présentée dès la première séance de négociation, contient ces 3 piliers fondamentaux, mais aussi notre engagement pour maintenir les techniques innovantes ou devrait-on dire récentes, hors des paniers de soins aux tarifications inadaptées afin de garantir leur réalisation conforme aux données actuelles.

Est-ce que ça veut dire que la FSDL veut faire table rase des techniques du passé ?  Bien évidement que non ! Mais, aujourd’hui, il n’est plus justifiable que des techniques dépassées qui présentent des alternatives récentes et fiables soient valorisées uniquement parce que l’argument économique nous l’impose. Les syndicats minoritaires ont toujours voulu solvabiliser les actes prothétiques et invasifs, il n’est donc pas surprenant de les voir continuer à défendre ce système.
Cependant, si nous voulons voir notre modèle évoluer, il faut qu’un syndicat, le nôtre,  porte cette différence. Nous ne pouvons espérer le moindre changement de vision de la part des hauts fonctionnaires ou des représentants syndicaux conventionnels, alors battons nous pour qu’ils changent.

Nous resterons fidèle à notre projet “Zéro carie”. Les français en ont besoin et cela passe par la prévention obligatoire et le soin précoce qui doivent enfin être financés à leur juste coût et  économiquement viable pour nos cabinets.
Les réformes doivent être structurelles et non pas seulement économiques.

Nous sommes en train d’assister, dans le domaine médical particulier qu’est le dentaire, au renversement du poids de l’indication médicale vers l’indication économique d’un traitement. Par l’obligation de présentation du RAC zéro, nous allons devoir faire le traitement le moins onéreux même si nous pensons que la santé du patient mérite mieux et, comme pour le médicament, à force de nous couper de l’innovation nous finirons par ne plus pouvoir faire bénéficier des traitements les plus récents à nos patients par perte des compétences et des brevets.

Quand des décideurs politiques et syndicaux finissent par penser que ce qui est nécessaire n’est pas le meilleur mais ce qui est “bon marché” est suffisant , cela  finit toujours par entraîner tout le monde vers la médiocrité…

 

Pascal PALOC
Secrétaire général de la FSDL

 

 


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